Le 11 février 2020, la “Loi relative à la lutte contre le Gaspillage et à l'Économie Circulaire” – (LOI 2020-105) maintenant connue sous le nom d'AGEC a été officiellement annoncée en France et est entrée en vigueur en janvier 2021.
Mercredi 12 avril 2023, l'entreprise Fairly Made a ainsi invité 3 acteurs concernés par cette loi pour présenter les réglementations, mais aussi de discuter des challenges et des questionnements qu'elles suscitent auprès des entreprises de mode.
Ce panel très instructif réunissait ainsi :
Flavien Barraud, qui représentait le Ministère de la Transition Écologique (Éco Conception et information du consommateur)
Adeline Dargent, Déléguée Générale du Syndicat de Paris de la Mode Féminine, qui représente les fabricants, jeunes créateurs et des plus grandes structures comme Ba&Sh.
Alexandre Capelli - Directeur Corporate Environnement & Ecodesign de LVMH, dont 15 maisons sont concernées par l'application de la loi AGEC.
Dans un premier temps, Les objectifs de la mesure ont été rappelés :
Réduire le nombre de pratiques liées à l'éco-blanchiment (greenwashing),
Améliorer l'information environnementale pour le consommateur,
Et inciter les entreprises à réaliser des efforts d'éco-conception.
La France est précurseure dans l’encadrement RSE du marché textile : en 2017, les autorités publiques avaient déjà mis en place la REP : la responsabilité élargie des producteurs. Le principe est simple : celui qui fabrique, qui distribue un produit ou qui importe un produit doit prendre en charge sa fin de vie. La REP s’adressait aux entreprises, aujourd’hui AGEC a aussi des dispositifs qui s’adressent directement au consommateur.
Qui est concerné par l'application des réglementations ?
Tous les producteurs, importateurs ou autres metteurs en marché des produits mentionnés à l'article R.541-221 du code de l'environnement : vêtements, chaussures, linge de maison et décorations textiles neufs destinés aux particuliers.
Les dates d'entrée en vigueur :
Depuis le 1er janvier 2023 : les entreprises dont le chiffre d'affaires est de 50 millions d'euros ou plus et qui mettent plus de 25 000 produits sur le marché français annuellement.
Au 1er janvier 2024 : les entreprises dont le chiffre d'affaires est de plus de 20 millions d'euros et qui mettent plus de 10 000 produits sur le marché français annuellement.
Au 1er janvier 2025 : les entreprises dont le chiffre d'affaires est de plus de 10 millions d'euros et qui mettent plus de 10 000 produits sur le marché français annuellement.
(Sources : Ministère de la Transition Écologique)
La conférence s'est concentrée sur un article en particulier, l'article 13, qui concerne la mise en place obligatoire d'informations des produits au moment de l'acte d'achat sur une fiche produit, telles que :
Sa traçabilité géographique
👕 Pour le textile, mention du pays dans lequel s'effectue principalement les étapes de :
tissage et de tricotage,
impression et de teinture,
confection (fabrication et finition)
👞 Pour la chaussure :
piquage
montage
finition
🏷 La composition des produits en indiquant les matières utilisées (le cuir n'est pas concerné).
☠️ La présence de substance dangereuse lorsque la composition du produit est à plus de 50% de
synthétique (la liste des substances sont celles du règlement REACH).
♻️ Son taux de matière recyclé et son taux de recyclabilité.
💦 S'il rejette des microplastiques lors du lavage.
🧺 Les consignes d'entretien selon le référentiel COFREET.
📦 Des instructions de tri pour la gestion de la fin de vie du produit.
Le format
Cette information doit être claire et lisible, elle doit informer les consommateurs sur les caractéristiques environnementales des produits qu'ils achètent.
Son format peut être un QR code, affichée sur une tablette en magasin, une page internet dédiée... Pour l'instant, il n'y a pas d’obligation du format d’affichage tant que l'on respecte la réglementation. Chaque marque est libre d'utiliser un format selon son business modèle et son ADN.
🛑 De plus, depuis le 1er Mai 2022, des mentions comme “biodégradable”, “respectueux de l'environnement” sur les produits ou médium décrivant les produit sont interdits, car jugées trop vagues ou fallacieuses. Il y a déjà eu des sanctions sur ces allégations environnementales.
Outre l'obligation d'information, d'autres dispositifs font partie de la loi AGEC tels que :
l'interdiction de la destruction des invendus,
intégrer les principes d'éco-conception,
gérer la fin de vie du produit (tri, recyclage, dons)
afin qu'entreprises et consommateurs contribuent à la transition vers une économie circulaire, plus respectueuse de l'environnement et plus durable.
Si vous souhaitez connaitre l'ensemble des réglementations de la loi AGEC pour la mode et le textile, abonnez-vous à notre newsletter pour lire notre prochaine publication dédiée.
Trêve de réglementations, voici les contributions que nous avons relevées lors de la conférence :
Table Ronde : Comment les entreprises peuvent-elles se préparer à la loi AGEC ?
Apprentissages et défis actuels sur l'obligation de traçabilité énoncés par le panel
Depuis son application au 1er janvier 2023, l'article 13 a été appliquée avec succès pour les maisons LVMH. Leur nouveau défi sera la capacité d'automatiser les processus de collecte et de publications des informations pour suivre le rythme des nouvelles collections. Il s'agira d'établir une routine efficace et constante avec toutes les parties prenantes en interne et en externe.
Difficulté de récolter des informations auprès de fournisseurs qui n'ont pas les compétences techniques ou les ressources et, enfin, dont le pays n'applique pas ces règlementations. Ainsi, il y a un enjeu d'information et de formation des fournisseurs pour qu'une coopération fluide s'active.
Il est crucial d'uniformiser et d'homogénéiser tous les systèmes d'informations, d'abord en interne (studio > production > logistique > vente) puis avec ses fournisseurs : parler le même langage et s'aligner sur les mêmes éléments de vocabulaire pour publier des informations cohérentes.
Les unités de mesure peuvent varier en fonction des normes et des pratiques propres à chaque pays, entreprise ou industrie. Dans le cadre d'une application européenne puis internationale, il y aura une nécessité de standardiser et de normaliser les termes et, potentiellement, les systèmes de mesure.
Dans les boutiques physiques, la formation des équipes de ventes sera cruciale pour communiquer toutes les informations de conception, de traçabilité et de fin de vie au consommateur.
Pour certaines entreprises et marques de mode, il y a une dimension financière majeure : où trouver le budget pour se conformer ? Car travailler avec des bureaux de conseil, recruter une équipe de conformité en RSE et une équipe pour gérer les flux de data peuvent représenter des budgets considérables dans une économie aussi instable qu'actuellement.
Le texte de loi contient des recommandations trop génériques pour des industries différentes.
Solutions :
Les autorités publiques répondent à ces questionnements en conseillant de se référer à la F.A.Q dont les informations sont mises à jour régulièrement. L’année 2023 est une année de mise en œuvre avec des contrôles certes, mais une tolérance pour l’application. 2024 sera déterminante pour un alignement entre l’industrie et les pouvoirs publics afin de préciser ou d’améliorer les règlementations : la loi pourra être reformée si besoin, après application par les entreprises.
Enfin, le panel a aussi évoqué les problématiques de l'affichage environnemental (l'éco-score) des produits textiles dans le cadre de la loi Climat, mais aussi du PEF (Product Environmental Footprint) : une méthode d'analyse de cycle de vie du produit pour en mesurer son impact environnemental, présentement en élaboration dans l'Union Européenne, prévue à 2025.
Des réglementations qui vont challenger davantage toutes les entreprises de mode qui commercialisent leurs produits au sein des pays de l'Europe, mais qui vont positivement contribuer à la transition vers une économie circulaire, plus respectueuse de l'environnement et des travailleurs du textile. Enfin, elles vont répondre aux attentes des consommateurs qui sont de plus en plus conscients de l'impact de leurs achats et demandent de la transparence, des produits vertueux et durables.
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N'hésitez pas à nous contacter pour approfondir le sujet et trouver des solutions pour votre entreprise. En 2018, nous avons fait l'expérience volontaire du calcul d'impact et de la traçabilité avec la marque Super Vision et le bureau de conseil Product DNA, dont voici une carte traçant le cycle de vie du produit d'un jean :
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